Berne : l’analyse transactionnelle : Jeux d’échanges

par | Sep 19, 2020

En tant que mammifères,  nous sommes des « animaux sociaux », claniques, qui ne peuvent vivre déconnectés de leur environnement.

Dans ce modèle, l’individu est conçu comme élément du mécanisme complexe que représente un groupe constitué d’une ou plusieurs personnes. Les individus sont des points d’ancrage reliés les uns aux autres par des liens et des actions.

Chaque personne est un système en soi, habité par des motivations plus ou moins conscientes, plus ou moins connues. Ce « sous-système » fonctionne en boucle rétroactive interne et c’est depuis les « conclusions » issues du sous-système que l’individu entre en relation avec l’autre.

Comme le modèle est conçu autour des relations mises en jeux, c’est sous l’angle des rôles et des positions prises ainsi que des interactions entre les différents « protagonistes » que la pièce va se jouer.

Dès qu’il y a interaction,  la manière de se comporter  est inéluctablement empreinte de nos souvenirs, ce qui  influence nos façons d’agir. Le poids des souvenirs est avant tout une affaire corporelle avec comme effet de nous mettre sous influence.

Il est intéressant de savoir que nous ne pouvons pas ne pas manipuler. Malheureusement, c’est un terme qui aujourd’hui est extrêmement connoté. A l’origine : Manipuler vient du lat. médiév. manipulare «conduire par la main» (1045 ds Nierm.) Nous sommes bien loin de la notion de « Manipulateur » au sens négatif.

Dans un système interconnecté, la notion de se prendre, ou se tenir par la main, prend tout son sens. La question est de savoir par qui et comment est influencé le système. C’est la base de l’analyse transactionnelle (AT).

Eric Berne

Proverbe africain

Pour éléver un enfant il faut au minimmun une tribu

Faisons un petit détour dans le monde phylogénétique et l’organisation hiérarchique de nos systèmes nerveux. Il est important de comprendre au delà des rôles et positions pris, le niveau depuis lequel les interactions se jouent.

  • Soit nous sommes disponibles et le lien se tisse depuis notre « vagal myélinisé » qui permet d’entrer en relation de manière calme et ouverte.
  • Soit nous nous trouvons dans un intermédiaire que je traduis par « sur la défensive » ou en « état de grande vigilance »,
  • Soit, pour finir, la relation est induite depuis une zone de dissociation ou clivage, qui a pour corolaire de mettre l’autre à distance.

Je pense que l’on ne peut pas aborder les notions d’influences systémiques sans connaitre l’impact de nos systèmes nerveux sur nos modes réactifs.

L’idée dans l’AT est de comprendre les rouages du système et les influences l’atteignant; quand les interactions sont négatives, l’objectif premier est de générer des changements de comportement qui permettent au système de se réguler.

Les comportements ou « symptômes » sont toujours visibles, il est donc intéressant de les prendre comme biais d’entrée. l’analyse transactionnelle permet de mettre en lumière et de dénouer bien des situations. Par contre quand un comportement est ancré dans des traumatismes, l’individu ne pourra pas faire l’impasse d’un réel travail de régulation de son système nerveux afin de pouvoir accéder à des états moins critiques et revenir dans un espace où les relations sociales sont possibles.

Aller plus loin….

L’approche dite « non-normative » ou « non-pathologisante » ne repose pas sur une vision experte ou normative de ce qu’est « une personne équilibrée » ou « un couple réussi », ou encore « une famille normale ». La personne qui souffre est elle-même experte de son problème et chaque personne, chaque couple, chaque famille dispose d’un seuil de tolérance différent. C’est la souffrance ou l’insatisfaction dans la situation actuelle et la volonté de changement qui déterminent l’orientation du travail en consultation. C’est la raison pour laquelle, dans une famille par exemple, la plupart du temps le travail est effectué avec les parents, car ce sont eux qui sont les plus désireux d’obtenir un changement.

Au delà de la vision de E. Berne

Ce qui m’a intéressé dans ce modèle, c’est le fait d’aborder les relations sous l’angle systémique. Permettre à l’individu de se positionner dans des rôles et fonctions qui offrent la possibilité de mettre de la distance face à certains comportements, tout en tenant compte des échanges.

Il y a un système avec ses rouages,

  • Dans le système on peut observer des comportements gênants, l’objectif est de les faire changer
  • Les question « Quoi » dans le système et « comment » le change,  permettent d’avancer
  • Repérer le point névralgique du système pour provoquer de vrais changements
  • Avoir une attention particulière à nos mimiques et autres gestes qui peuvent être mal perçus

Nous avons souvent des messages paradoxaux en double liens : Exemple : Un chef demande à son employé d’être plus autonome tout en lui demandant de respecter les rapports hiérarchiques.

Deux forces s’opposent

 

Maintenir en place le système

Il est souvent plus simple de rester dans la passivité, ceci dans moultes stratégies

Naviguer dans l’irréalisme

  • C’est tellement plus simple de nier les problèmes
  • Les fausses croyances sont souvent un lit d’utopie qui évite de se confronter à ce qui dérange
  • Que de comportements inadéquats comme :
    • L’insatisfaction : Générée par une incapacité d’être satisfait
    • La recherche de perfection : Jamais atteinte, poser des objectifs inaccessibles
    • La mission : Trouver et convaincre, s’épuiser en arguments

Exagérer les enjeux

Ce qui permet de rêver de gravir l’Everest sans pour autant sortir de son fauteuil

Se tromper de remède, ce qui non seulement maintient mais augmente le problème. Exemple : je suis soupe au lait, je vais faire une effort pour encore plus maîtriser le phénomène.

Repérer les résistances aux changements pour mieux les perpétuer

  • Remplacer quelque chose par son contraire : Je ne délègue pas assez,  ok… alors, faites sans moi 
  • Faire plus de la même chose : Se donner encore plus de peine….
  • Redistibuer les rôles dans le système : Jeux de chaise

Il va être essentiel de dépister les stratégies mises en place pour maintenir le status quo

Mettre en oeuvre un changement réaliste

Chef d’oeuvre, il s’entend…. cela demande un vrai investisement

Recadrage

  • Vivre dans ici et maintenant
  • Entrer dans le langage de son propre « modèle du monde », fait d’image, de croyances, de sensations qui nous semblent incommunicables
  • Repérer les expériences et les comportements répétitifs et générateurs d’anxiété et de stress
  • Revenir au réel avec la loi des 3 P : Permission, protection, puissance

Montrer le chemin à ses neurones

  • Faire un état des lieux : Qu’est-ce que je veux ? Pour quoi faire ? Au service de quoi cela se met-il ? Quelles solutions ai-je déjà mises en œuvre, pour quels résultats ? …
  • Prendre le temps de dépister dans cet état des lieux les subtiles attitudes passives
  • Faire un travail de reformulation positive.  Exemple : Je n’y arriverai jamais, c’est beaucoup trop compliqué pour moi  en : Je vois que cela me stresse, comment puis-je fractionner la tâche pour la rendre accessible et quels appuis puis-je aller chercher
  • Mettre en œuvre un projet de changement pas à pas

Utiliser le paradoxe pour changer (école de Palo Alto)

  • Afin d’apprivoiser les souvenirs douloureux et dissuasifs, l’école de Palo Alto utilise la communication paradoxale qui retourne les situations en tentant quelque chose d’inabituel.

Le travail va être de mettre en place des stratégies de changements

10 exemples de communication paradoxale conseillés dans l’école de Palo Alto .

  1. Annoncer ses sentiments au lieu de les cacher : Exemple : Dire que l’on est touché, plutôt que : même pas mal
  2. Programmer chaque jour, à heure fixe, la répétition d’un acte gênant que l’on désire voir disparaitre : Exemple : Faire une grosse colère chaque jour à 13h00
  3. Trouver un truc pour affronter une situation stressante qui la rende « drôle » . Exemple : j’imagine mes experts en pyjama avec un nez de clown
  4. Jouer la faiblesse et l’incapacité quand on a du mal à s’affirmer : Exemple : à la gym, j’ai des difficultés avec le cardio, j’exprime toujours que je vais mourir si je le fais..
  5. Jouer l’impuissance devant quelqu’un que l’on craint le confirme dans son attitude autoritariste : Exemple : Vous avez raison, pourquoi changer de système et suivre….
  6. Manifester de l’indifférence face à quelqu’un qui cherche à attirer votre attention et dont vous jugez l’attitude peu constructive
  7. Poser un cadre et horaire fixes pour les tâches que l’on n’aime pas exécuter. S’engager à ne pas terminer la tâche si la période et le temps imparti sont écoulés.
  8. Lier deux tâches difficiles dans lesquelles nous risquons l’échec : Exemple : si je rate mon entretien, je téléphone à mon collègue avec lequel je suis en froid
  9. Forcer un « partenaire » peu enclin à l’action à s’engager dans une tâche, projet dont il ne connait pas les tenants et aboutissants. Exemple : Je suis sûre que cela va vous plaire, ça ne comporte aucun risque, j’ai juste besoin de votre adhésion
  10. Faire de la surenchère devant vos rêves et plans sur la comète, jouer l’exagération.

A manier avec humour, les personnes à HP sont souvent très susceptibles

Gregroy Baetson est l’un des fondateurs de l’école de Palo Alto

Grâce à des outils développés dans l’analyse transactionnelle

il va devenir possible de mettre en lumière les comportements décalés ainsi que les réponses inadéquates perçues au sein des groupes.

Etats du Moi

sont constitués en trois systèmes, trois types d’énergie utilisés lorsque nous communiquons avec nous-même et avec les autres. Ce sont des ensembles cohérents de comportements associés.

Il n’existe pas en tant que tel, ce sont des cartes qui permettent de mieux décoder les comportements perçus.

Extrait de : Dominique Chalvin : les outils de base de l’analyse transcationnelle. pp 33 et ss

Système P : Représente la façon apprise d’utiliser notre énergie à la suite des expériences de vie et des modèles rencontrés ; événements, personnes, enseignements…

Système A : Représente une utilisation de l’énergie captée dans le monde réel et nous parvenant sous forme factuelle

Système E : Représente la manière dont nous utilisons l’énergie sous forme d’affectivité, d’émotion, d’intuition

Il existe de nombreuses façons d’agir depuis l’un des états du Moi.

Depuis le sysème P qui correspond à la manière dont nous sommes « enseignant »… Les types de réponses proposées  sont soit :

  • Normatives, ce sont celles qui posent le cadre et donnent des indications
  • Donner de, ce sont celles qui appuient et aident

Ces réponses peuvent être données de manière positive et sécurisante ou au contraire générer de l’insécurité et un sentiment d’être forcé.

Cela donne les 4 premiers sous -systèmes

  • Normatif positif : Règles et lois applicables utiles, souples et stables…
  • Donnant de positif : Correspond à un besoin exprimé et ciblé, ne fait pas plus que 40% du chemin
  • Normatif négatif : Règles inadéquates impossibles à appliquer, inefficaces, humiliantes, trop rigides, etc…
  • Donnant de négatif : Besoin non exprimé ou immaginé par le « donnant », inadéquat, fait à la place…

Il est toujours intéressant d’oberver le besoin de la situation et de voir de quelle manière on s’ajuste ou non à celle-ci.

  • Est-ce que le Parent normatif va « Persécuter » en proposant des règles et normes inadéquates, ou au contraire pouvoir accompagner de manière sensible tout en étant cadrée
  • Est-ce que le Parent aidant va « Sauver » en imposant des solutions et chemins arbitraires ou au contraire pouvoir être un appui soutenant tout en restant léger

Dans le système E qui communique par les canaux du ressenti et des émotions… Les types de réponses proposées sont soit :

  • Adapté,  le monde et ses règles sont pris en compte
  • Spontané, le naturel de la personne peut s’exprimer

Ces réponses expriment le degré d’adaptation en lien avec la construction d’une plus ou moins bonne estime de soi.

Cela donne les 4 sous-systèmes suivants

En sécurité :

  • Adapté positif : L’individu ne s’efface pas devant la norme. Il peut tenir sa place tout en gardant un esprit critique efficace
  • Spontané positif : La personne vit sa spontanéité librement, sans trop déborder du cadre

Sous stress :

  • Adapté négatif : S’adapte à la norme mais  la dévalorisation et le refoulement sont là en sous-fond, défaitiste, anxieux, influencable, souvent complexé, manque de recul
  • Spontané négatif : Vit sa vie, souvent de manière provocatrice et critique. La colère grandit souvent en sous-fond, la bagarre et la rebellion ne sont jamais loin.

Il est toujours intéressant d’oberver le besoin de la situation et de voir de quelle manière on s’ajuste ou non à celle-ci.

  • Est-ce que l’Enfant adapté va « se soumettre » en niant ses besoins et son identité, ou au contraire s’adapter tout en posant des limites en adéquation avec sa personnalité?
  • Est-ce que  l‘Enfant spontané va « se rebeller » en explosant à tout va ,ou au contraire trouver une juste vivendi, drôle et ludique?

En résumé

C’est plutôt simple

Ce modèle met en lumière l’interface entre les individus dans leurs modes de communication positif ou négatif (bien que cela soit rarement aussi tranché) ainsi que l’énergie que cela a engagé.

Les comportements des uns et des autres sont liés à leur histoire de vie, ils vont s’exprimer dans les rôles conscients ou inconscients que s’attribuent les gens lors des « transactions ».

La première chose à prendre en compte est le niveau de stress des individus au sens neurologique du terme. La personne est-elle dans sa capacité relationnelle dans une position sécurisée et ouverte, ou au contraire sur la défensive ? Le stress propulsant directement dans le triangle relationnel  exploré dans le modèle de Karpmann.

Cela va se marquer dans le sous-sytème en terme de disponibilité.

Histoire de Vie

Si l’on reprend la théorie polyvagale en terme de communication et niveau de réponse, en sachant que l’on ne peut pas ne pas communiquer, cela devient passionnant.

Au niveau de l’histoire de vie « archaïque »

C’est en terme  d’origine des comportements que cela va se jouer. C’est une histoire entre soi et soi et c’est au niveau personnel que cela peut aller se travailler.

Dans le cas des personnes à HP, un travail corporel est plus que conseillé. Nous sommes au niveau strucutrel profond et cela touche à notre strucutration psychocorporelle et développementale.

Au niveau de l’histoire de vie « limbique » ou émotionnelle

C’est davantage le système E qui va être impacté. Quelles attitudes spontanées, instinctives, non réfléchies sont proposées dans la relation.

Ce niveau d’interaction peut tout à fait se travailler en groupe, c’est par ailleurs le lieu idéal pour cela. A savoir qu’il y a besoin d’un cadre réellement bienveillant car l’enfant blessé peut rapidement mettre le système en déroute dans un figment autant cérébral que corporel.

Au niveau de l’histoire de vie « conceptuelle » ou pensée

Nous nous trouvons au centre du système P qui va pouvoir observer, analyser, proposer des solutions.

Dans cet espace, le risque vient quand le regard analytique est par trop normatif et bloque l’accès aux sensations éprouvées et reconnues pour telles.

Au niveau des comportements observés qui font l’histoire de vie.

Nous nous trouvons dans le système A : Comme Adulte, c’est à dire un regard méta sur la situation.

En conclusion

Au coeur de l’analyse transactionnelle se trouve : L’art du contact.

Tout au long du jour ou de la vie, nous entrons en contact avec nous-même et les autres. Cela nous laisse un goût plus ou moins agréable en bouche.

Comprendre comment on entre en contact, comment se jouent les transactions et sur quels niveaux et comment on y remédie, permet d’entrer en scène et de mieux participer à ce grand jeu qu’est la vie.

J’ai bien conscience que je n’ai pas présenté tous les outils… la suite aux prochains épisodes… N’hésitez pas à revenir sur la page…