Inadaptation et école

par | Août 15, 2020

DU CYCLE 1 AU POST-OBLIGATOIRE

L’Inadaptation c’est :

La somme des comportements qu’une personne adopte, volontairement ou non, quand il existe une inadéquation entre ce que l’on projette et attend d’elle et ses capacités réelles. Si ses attitudes ne sont pas reconnues comme adaptées à la situation, par l’entourage direct ou par elle-même, elle va masquer son décalage par de l’inadaptation ou de la sur-adaptation.

Boris Cyrulnik¹ : «Peu d’enseignants ont conscience de leur impact affectif sur les enfants»

Les bébés qui, avant de savoir parler, sont sécurisés par une niche sensorielle riche et une stabilité affective, éprouveront leur entrée à l’école comme une exploration amusante. Ils représentent deux enfants sur trois et ce sont les futurs «bons élèves». Les autres, insécurisés à cause d’un drame familial, (mort, maladie, conflits parentaux…) ou parce que leurs conditions d’existence sont difficiles, vont acquérir un attachement insécure. Pour eux, la première rentrée sera souvent perçue comme un petit trauma et beaucoup continueront à vivre leur scolarité comme une épreuve.

La provocation est une manière de remettre la réalité sur ses pieds

Bertold Brecht

Les enseignants ont-ils un rôle à jouer dans cette «sécurisation» de l’enfant ?

Oui, mais ils ne se pensent pas dans ce rôle-là. Nous avons en France (en Suisse aussi) de bons enseignants, motivés, bien formés et désireux de bien faire leur métier. Mais peu ont conscience de l’impact affectif qu’ils ont sur les enfants. Certains instituteurs, professeurs de collège et de lycée, vont rassurer et réconforter les enfants par leur façon d’être, leur manière de parler, leur attention à reprendre autrement une explication mal comprise… Généralement, ils ne s’en rendent pas compte. Un encouragement, une appréciation de leur part qui seraient perçus comme des banalités par des adultes, auront chez un enfant en recherche de sécurisation une valeur inestimable. Ce sera un événement émotionnel fort qui participera à structurer sa personnalité. D’ailleurs, lorsqu’on évoque avec des étudiants leurs motivations à suivre telle ou telle filière du Supérieur, il y a presque toujours le souvenir d’un enseignant en particulier. […]

Stratégie : Sumo – Solo – Velcro

Voilà ce qui se trouve à l’origine de ces trois attitudes : sumo, solo, velcro³, au niveau des enfant à HP.

  • Bloqué dans sa capacité d’être dans le concret, l’enfant fuit dans la raison
    • le corps met en forme et informe… comme la «raison» n’a pas accès aux solutions «simples» proposées par le corps, l’insécurité s’en trouve accrue.
  • Bloqué dans sa capacité à évoquer des solutions simples et efficaces, l’enfant voit sa vie affective péjorée. Des sensations négatives se développent et l’empêchent de ressentir du plaisir.
    • L’estime de soi est amoindrie, il devient difficile de «faire exister» dans sa tête des choses autres que des scénarios «rationnels», voir négatifs.
  • Bloqué dans sa capacité d’abstraction², la raison a toujours raison… elle est parfois mauvaise conseillère
    • La raison, bien que présente, ne peut isoler les éléments ressentis, cela devient difficile de mettre du sens sur les vécus.

L’inadaptation peut être, dans ce contexte, traduite par : INSÉCURITÉ
Celle-ci va créer une cascade «cognitive» provoquant à terme l’inadaptation.

L’enfant se sent en insécurité de par le fait qu’il ne peut donner raison à la réponse qui lui est faite, ni se donner raison quand les deux éléments sont en décalage.
Cette «insécurité» provoque un stress qui, dans le cas de l’inadaptation, va amener l’enfant à «attaquer» (sumo), vouloir faire tout tout seul (solo), vous inonder de questions et de sollicitation (velcro)…

Signes possibles au fil du temps

  • Au cycle 1 : dès 4 ans (degré primaire de la 1ère à la 4ème) : IMPOSSIBLE…. IN-tenable, impertinent, se prend pour le chef… et aussi adorable, charmeur, intéressant… sauf dans le groupe, les récrés posent «d’immenses» problèmes en tous genres…
  • Au cycle 2 : dès 8 ans (degré primaire de la 5ème à la 8ème) : La suite de l’histoire dépend beaucoup de ce qui a été mis en place autour de l’enfant et des différentes stratégies de réponse qu’il a trouvé face à son inadaptation.
    • Challenger : Continue de s’opposer, contredit, tout en utilisant un charme non négligeable pour se faire accepter et «remonter» ses moyennes au dernier moment.
    • Marginal : Devient «filant comme une anguille»… commence à avoir des comportements à risque.
    • Double casquette : Très compliqué à déceler… résultat très variable, un élément récurrent cependant : «LA FATIGUE»
  • Au cycle 3 : Dès 12 ans (degré secondaire de la 9ème à la 11ème) : Si les raisons de l’inadaptation n’ont pu être prises en compte, l’adolescent va dans la plupart des cas se trouver en échec scolaire, voir en décrochage complet.
    La bonne nouvelle est qu’aujourd’hui un enfant inadapté à HP fait suffisamment de «foin » pour qu’on l’entende. Son parcours, fort difficile au départ, peut nettement s’améliorer pour autant que les aides apportées aient été utiles.
    • La condition cependant reste un dépistage précoce des difficultés et une prise en charge adéquate afin de limiter les blessures souvent vécues de manière traumatique pour l’enfant à HP.

Trois attitudes possibles

  • le/la jeune provoque, encore et encore, agace tout en étant suffisamment créatif et résilient pour «être en échec au semestre» et passer l’année.
  • le/la jeune a basculé dans la marginalisation, souvent cela s’est soldé par une chute libre dans les niveaux scolaires. Suivant son comportement, le jeune va être pris en charge en institution, avec, souvent, la non-conscience de ses compétences.
  • le/la jeune non reconnu dans sa double casquette n’est ni reconnu HP, ni Dys, ni TSA ou autre et dans ce cas souvent les troubles psychologiques prennent le dessus et l’on assiste à une avalanche de troubles somatiques non expliqués.

Bien qu’il y ait toujours des jeunes «HP inadaptés» qui ne sont pas reconnus dans leur différence, leur nombre est en diminution et les dégâts sont souvent moindres à moyen terme que la sur-adaptation.

  • Au post-obligatoire : Dès 15 ans ; la suite va dépendre de la «crise» identitaire que le jeune va confronter ainsi que du degré de compréhension de ses difficultés.

Les statistiques et notre expérience du terrain par contre sont claires : D’une envie d’apprendre, d’une curiosité sans faille du petit enfant à HP, un bon 60% d’entre eux a perdu en route confiance, envie, joie de vivre, mais jamais leur curiosité qui allume leur œil dès qu’on leur fait une proposition qui leur parle…

Dans la classification de Betts, & Neihart², l’enfant, l’ado peut correspondre à trois profils types : Le challenger, le flancheur et l’élève perturbé.

Documents de références, source :

Brochure Harmos : Accord intercantonal de l’harmonisation de la scolarité obligatoire.

1- Interwiev de B. Cyrulnik dans vousnousils.fr du 8 juin 2015 suite à sa co-signature dans une tribune du monde intitulé : «contre l’école inégalitaire, vive le collège au XXIe siècle»
2- Abstraction : Opération intellectuelle qui consiste à isoler par la pensée l’un des caractères de quelque chose et à le considérer indépendamment des autres caractères de l’objet.
3- B. Cyrulnik : Sous le signe du lien / Attachement et adolescence : Johanne Lemieux