Le triangle de Karpman, rapports sociaux et communication
Ce qui m’a amenée au triangle de Karpman dans le cadre de mes activités avec des personnes à hauts potentiels c’est l’articulation entre la construction d’un faux-self et le concept de manipulation
Je ne compte plus les parents qui, dans un cri du coeur, me disent : Qu’est-ce qu’elle/il peut me manipuler et, en parallèle, me confier que depuis quelques temps, ils ne la/le reconnaissent plus…
Un conjoint : Tant que je fais ce qu’il/elle veut tout va bien; je me sens un peu manipulé(e).
Sous forme de questionnement : Vous ne le/la trouvez pas un brin manipulatrice ?
Alors oui, et non….
Cela dépend du niveau de compétences sociales acquises et à quel prix, au niveau identitaire, ces compétences ont été acquises.
Il y a manipuler et manipuler
La pertinence de la notion de manipulation dans un fonctionnement à HP est réelle dans le sens de :
- Conduire par le pensée des notions et les réorganiser, les brasser, les articuler.
- Le cerveau de tout-un-chacun travaille en permanence. Chez la personne à HP, ce phénomène est davantage conscient et donne la sensation à certains moments d’avoir un moulin, petit vélo, hamster dans la boîte crânienne qui ne s’arrête jamais.
- Manipuler les idées à ce moment-là devient un acte naturel et normal afin de ne pas devenir « fou »….
Ce n’est pas pour autant que la personne est « manipulatrice » dans le sens pathologique.
A contrario, ce n’est pas non plus exclu que la personne le soit!
Définitions :
Manipuler : lat. médiév. manipulare «conduire par la main» (1045 ds Nierm.)
Il est intéressant de faire un parallèle avec :
Articuler, mot dérivé d’une racine indo-européene, *are ou *re qui signifie ajuster, adapter et appartient à la même famille que art, artisan, artifice, article
Mais aussi avec :
Harmonie qui, au XVI siècle signifiait la relation ajustée d’une partie avec le tout.
Benoît LESAGE explore dans le chapitre : L’usage du corps et l’organisation du geste, ces principes fonctionnels. Le retour aux fondations corporelles est, une fois de plus, flagrant¹
¹ B. Lesage « Jalon pour une pratique psychocorporelle » ed érès. Toulouse, 2ième de 2012 p.171-206
S’articuler et articuler, dialectique essentiel dans les jeux relationnels
Les personnes à HP ont souvent des difficultés d’identification, elles naviguent à vue entre limites et contraintes. Passant d’une sensation d »invulnérabilité sans limite à « hypersensible », profondément nul et c’est, dans ces moment-là, sans appel.
Les comportements individuels illustrés par les états « du moi » se développent au travers des interactions, dans un jeu de va-et-vient entre les protagonistes, créés par les relations. Ces échanges créent une trame dans laquelle va s’inscrire l’ensemble des attitudes, des interdépendances et contextes de vie.
La notion de position de vie liée :
- Aux fonctionnements spécifiques, les aptitudes de la personne à HP
- Aux paramètres externes, les contextes de vie
- Aux paramètres internes, les tempéraments
devient un terrain de jeu magique pour mieux comprendre les enjeux relationnels et aborder la notion de manipulation chez une personne à hauts potentiels.
Pourquoi le Triangle de Karpmann ?
Car en parallèle de : » Vous ne trouvez pas qu’il manipule ? « ,
hypervigilance, décalage, hypersensible, épuisé, victime, justicier, inadéquat, persécuteur sont des termes qui reviennent sans cesse.
Cela entraîne immanquablement vers une analyse des rapports au monde, ce qui place le débat sur un terrain stratégique. Le triangle de Karpman, avec l’analyse transactionnelle, le modélise à merveille.
Comment ça marche dans le modèle de Karpman ?!
- Les rôles se distribuent de manière constante dans le triangle entre trois protagonistes, dans le carré diabolique entre quatre
- Les rôles ou personnages ne sont pas des personnes mais bien des fonctions. Pas besoin d’être plus de deux pour entrer dans le Jeu et ses « en-jeux »…
- Les rôles sont TOUS négatifs, c’est-à-dire qu’ils entraînent de la souffrance entre les personnes et dans les liens affectifs
- Les rôles sont interchangeables, les personnages « switchent » d’un rôle à l’autre… ce sont les « coups de théâtres »… les rebondissements que nous aimons tant dans les contes
- Dans les triangles dramatiques ou carrés toxiques… bien que les changements amènent de la variété, ils ne permettent pas de sortir de la toxicité relationnelle qui s’en dégage
- Cela se joue en règle générale à l’insu des joueurs
Dans la vie il est essentiel de pouvoir faire la différence entre être dans une position légitime et réelle et jouer un rôle. Tous, un jour, nous avons été victime de….. Par contre nous n’y avons pas forcément adhéré ni collé au rôle au point de nous y identifier…..
Dans le cas de personnes à HP, cette articulation peut être subtile et pas toujours consciente… on peut se leurrer en toute bonne fois…
Persécuteur
Position que l’on prend, où l’on se rend pour casser du sucre sur le dos de la Victime, l’attaquer
Celui qui fait violence
Victime
Position que l’on prend, où l’on se rend pour se plaindre de sa condition, des actes de son Persécuteur
Celui qui subit la violence
Sauveur
Position que l’on prend, où l’on se rend pour tenter d’aider la Victime tout en faisant face au Persécuteur
Celui qui soigne la violence
Pour pouvoir sortir du jeu, il faut à la fois définir et distinguer ce qui est mis en jeu dans la scène qui se joue. Dans le triangle vécu et joué, le violence est au coeur des relations. L’objectif est de remettre de la santé dans le triangle afin de sortir d’une violence subie
Persécuteur => Régulateur
Celui qui fait violence de manière injuste.
Peut dans une position saine devenir : Régulateur
Victimaire => Victime
Celui qui subit la violence et exige de l’autre.
Dans une position saine, la victime demande de l’aide
Sauveteur => Sauveur
Celui qui impose son aide pour soigner la violence
Dans une position saine, le sauveur propose son aide
La complexité des relations, d’autant plus quand elles sont induites par de la violence, amène Pascal Ide à proposer un complément à la triade pour en faire un carré
Du triangle dramatique au carré diabolique selon Pascal Ide
En face du persécuteur, une victime… qui peut être sauvée … Mais qui s’occupe de réguler le persécuteur ? Certainement pas le sauveur…
Dans l’idéal, le persécuteur se régule de lui-même, c’est cependant rarement le cas, c’est pourquoi le trio se transforme en quatuor avec comme nouveau protagoniste… le Régulateur ou Juge ….
Sauveur et juge ont des attitudes qui se rejoignent dans leur volonté de faire cesser le mal ainsi que de sortir du drame. Leur impact ainsi que leur action ne se portent pas sur les même personnes. Il est intéressant d’introduire un quatrième personnage.
Le sauveur agit sur la victime en cherchant à l’aider, le régulateur agit sur le persécuteur, « le coupable », le déclencheur de l’action. Le Régulateur ou Juge va chercher à déterminer la responsabilité du bourreau et il agit en conséquence, sans pour autant se préoccuper de la « victime ». Le Juge est amené à s’interposer, avec comme soucis de stopper le coupable.
Dans un carré pathologique, le juge se transforme en justicier. Dans le monde des hauts potentiels, le besoin de justice et la sensation d’injustice sont tellement fréquents qu’il me parait intéressant d’en faire une lecture dynamique.
LE CARRE PATHOLOGIQUE | La cause de la violence | La lutte contre la violence |
La violence accomplie | Persécuteur | Justicier |
La violence subie | Victimaire | Sauveteur |
CARRE REGULATEUR |
La cause de la violence |
La lutte contre la violence |
La violence canalisée | Régulateur | Juge |
La violence esquivée | Victime | Sauveur |
Il est essentiel de comprendre les différents rôles afin de pouvoir repérer quand nous tombons dans le panneau et jouons !!! un jeu destructeur
Juge – Justice
Tableau récapitulatif
le Juge | Le justicier | |
La finalité (Motivation) |
Agit par désir de Justice | Le plus souvent agit par vengeance |
Le sentiment | Est animé par une colère mesurée, paisible | Est animé par une colère démesurée, voire par l’amertume et le haine |
L’autorité | Est mandaté par l’autorité compétente | S’auto-missionne ou reçoit son mandat d’une autorité illégale |
La loi | Obéit à la norme universelle | Obéit à sa propre loi |
La place de la raison | Analyse les faits, évalue les témoignages | Aveugle sa raison par sa passion vindicative |
La Liberté | Agit sans contrainte | Peut agir im-et com-pulsivement |
La liberté du coupable | Prend en compte le plus possible la liberté du persécuteur, notamment ses possibles excuses | Ne prends pas en compte le liberté ni la dignité du persécuteur, notamment sa possible transformation |
La relation à la victime | Prend en compte la victime au point de remplir aussi le rôle du sauveur | Est obnubilé par les seules condamnations et punitions du persécuteur |
La peine | Inflige une peine mesurée par la loi | Inflige une punition démesurée |
Le jugement | Pose un juste jugement | Pose un jugement arbitraire, voire inique |
Les effets | Ne cherche pas à entrer dans le carré maléfique | Est à la recherche de personnes qui jouent au carré maléfique |